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      Gabriel, des burons aux Halles
      De l’Auvergne à Paris : la vie quotidienne au XIXe siècle, au temps de la révolution industrielle
      de  Claude CHAPPE GAUTHIER
      144 p. – Quadrichromie
      Très nombreuses illustrations
      Format : 218 x 225
      prix : 22 euros
      Novembre 2015
      ISBN : 978-2-916512-29-7

      Présentation de l'ouvrage
      préface de Marie-France Houdart
      Table des matières
       
       

             
             
             

            Gabriel, des burons aux Halles

            Avant Propos de Marie-F. Houdart, éditrice et ethnologue

            Deux mondes, le vert, le gris, et des hommes qui vont de l’un à l’autre, d’une vie à l’autre.
            D’un côté le monde des pâturages et des burons où se fait le fromage, des vaches rousses aux longues cornes et de la gentiane ; de l’autre celui du fer, de la vitesse et de la lumière.
            Ici une vie où tout semble immuable depuis des siècles, où tout se perpétue dans le labeur ; là un monde où tout bouge et se transforme, une innovation après l’autre, faisant des riches et des pauvres, les uns servant les autres.

            D’un côté une terre qui a trop d’hommes à nourrir ; de l’autre une ville et un Etat qui manquent de bras pour construire leur puissance et leur modernité.
            Alors les hommes quittent l’herbe verte et les vaches pour aller offrir leur sueur et leur force à l’autre monde, qui en a besoin pour vivre de bien-être et d’agitations.
            Claude Chappe Gauthier appartient tout autant à ces deux mondes-là. De l’un à l’autre, elle a toujours fait des allers-retours réguliers, mais en sens inverse : quittant le monde gris mais éclairé où elle est née, où elle a étudié, où sont venus se fixer ses parents, fonctionnaires, elle retrouvait l’été le monde vert mais austère des montagnes de la Haute-Auvergne de ses aïeux et de ses vacances.

            Entre Paris et le petit bourg du Claux, dans le Cantal, la fillette qui arrivait, dans les années 50, vêtue de son corsaire rouge de petite citadine, percevait bien le décalage. Elle avait pleinement conscience de tout ce qui la séparait de ses cousines et voisines jamais sorties de leurs montagnes et toujours vêtues de sages robes à carreaux, quand elle-même fréquentait musées, expositions, concerts… On imagine leur regard posé sur elle, envieux bien sûr, critique sûrement. 
            Le temps a passé. Claude Chappe Gauthier a fait des études d’art, a exercé la profession d’architecte d’intérieur (elle est l’auteure de toutes les aquarelles alertes qui illuminent ces pages), sans jamais cesser de s’intéresser à l’histoire de sa famille d’Auvergne. Elle interroge, compare, enquête, fouille les archives familiales, collectionne objets et photos, découvrant les richesses humaines de ce vieux pays, et comprend pour finir que le monde gris et lumineux de la capitale n’a pu se faire que grâce aux forces vives du monde vert descendu de ses montagnes.

            Pourquoi avoir choisi d’éditer ce travail ? Par-delà la confrontation descriptive de ces deux mondes, le sujet traité par Claude Chappe Gauthier aborde une vaste question : celle de l’émigration. Voilà une nouvelle fois décrite une situation de dépendance entre un système économique et politique riche et une société pauvre qui va devoir se placer au service du premier. Paris, on le sait, n’est peuplé que d’anciens émigrés : venus des provinces, puis des pays voisins, puis de ceux de l’autre côté de la Méditerranée, puis de partout.

            Mais l’auteure a justement choisi de nous parler de ce XIXe siècle durant lequel se bâtit le centralisme républicain français : un pays, a fortiori une « Nation » qui se construit, a besoin du rassemblement de toutes les forces qui désormais doivent la composer. Notamment de celles qui, par leur culture, leur propre histoire, leur langue… lui échappaient encore, je veux dire celles de l’ancien monde d’oc. Elle a besoin, pour les mettre à son service économique et militaire, de créer le mythe de la France, nouvelle mère-patrie, qui rassemblera autour d’elle et du drapeau sacré tous ses enfants, modelés à son image. Pour cette République jacobine, plus aucune différence ne doit subsister : tous unis dans la même histoire, la même langue, les mêmes valeurs, le même pays à défendre.

            Or les paysans d’Auvergne et du Limousin partagent un impératif commun, vital : la terre dont on hérite est généralement trop pauvre ou trop petite pour se partager, elle doit se transmettre intacte à un héritier et un seul, généralement l’aîné. Les cadets doivent gagner ailleurs de quoi vivre. A cette obligation et à l’appel de Paris, les uns et les autres vont se plier différemment.

            Les Auvergnats partent plutôt l’hiver, quand la terre n’a pas besoin d’eux, pour vendre et livrer le charbon, allumer les réverbères, transporter et chauffer l’eau et le bain des bourgeoises, récupérer, étamer, pratiquer tous ces métiers de peine qu’on laisse d’ordinaire aux émigrés. Ça gagne peu, mais l’été, on rentre au pays participer aux grands travaux. Et puis finalement, le bois-charbon devient bistro, le ferrailleur développe son affaire, des fortunes se font…
            Les Limousins se sont créé une spécialité qui leur est propre, la maçonnerie, qui se pratique l’été, sans concurrence donc lucrative. Aspirant tous les hommes qui, dans la capitale vont se frotter aux idées rouges et participer aux révolutions, elle a laissé aux femmes le soin de la terre en leur absence, elle les a même faites héritières des biens familiaux. 

            Ces choix ont façonné deux destins différents, deux manières d’être et de penser différents : côté Auvergne, un plus fort attachement à la hiérarchie et à la religion; côté Limousin, plus d’égalité, moins de soumission à Dieu et aux puissants.
            Le travail de Claude Chappe Gauthier permet de mieux comprendre les relations de dépendance ou de complémentarité entre trois mondes : entre Auvergne et Paris, d’une part ; mais aussi entre Paris, Auvergne et Limousin d’autre part. Tandis qu’à l’automne, les porteurs d’eau et de charbon remontaient vers Paris, en été, les corréziens descendaient vers le Cantal : les maçons pour y bâtir les maisons, les faucheurs et moissonneurs des bords de la Dordogne pour se faire embaucher dans les fermes d’Auvergne, riches de leurs fromages.

            Claude Chappe a utilisé de riches archives familiales et privées. Elle a exhumé quantité d’objets de la vie quotidienne des familles bourgeoises et paysannes de la contrée, photographiés par Marielle Lauqué-Chappe et Guy Chappe, héritier lui-même des magnifiques plaques photographiques d’Eugène Majonenc, un des premiers à avoir fixé les scènes de la vie rurale dans le Cantal de la fin du XIXe siècle. A cette iconographie abondante, il m’a été agréable de joindre de nombreuses illustrations publiées dans les journaux de l’époque.
            Notre souhait, à l’une et à l’autre, est de faire comprendre que Paris n’aurait pas été Paris, ni la France la France, sans le travail acharné et obligé de tous les hommes des campagnes et montagnes, notamment du sud de l’hexagone, que la Nation niveleuse, née de ce siècle, a intégré pour son plus grand profit.


             


       
       
       
       
       


       
       
       
       
       
       
       
       
       
       

         

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